Bernaches à cou roux et faucons pélerins sibériens

Les Faucons pèlerins, nos ornithologues commencent à bien les connaître : ils ont l’occasion de les étudier depuis plusieurs années, notamment quand ils viennent nicher au printemps sur la cathédrale des Saints Michel et Gudule à Bruxelles. Mais les Pèlerins sont cosmopolites. Et comme nos collègues ont pu l’observer, ceux de Sibérie ont une relation surprenante avec les Bernaches à cou roux…

À propos de ce project

La Bernache à cou roux est la plus petite espèce d’oie au monde et l’une des plus belles. C’est aussi l’une des plus menacées. L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN) la classe dans la catégorie « globalement en danger ». En d’autres mots, cela signifie que la Cou roux est menacée de disparition au niveau mondial !

Une des principales raisons de cette situation inquiétante est que l’on connaît finalement peu de choses sur cette oie et en particulier sur ses migrations. Le fait qu’elle niche uniquement tout au nord de la Russie, dans la toundra où vécurent les derniers Mammouths, ne facilite évidemment pas les observations. Et si l’on connaît mal l’écologie d’une espèce, il est difficile de déterminer ce qui la menace précisément et encore plus de proposer et mettre en place des actions qui permettraient réellement de la sauver.

L’Institut Severtsov d’Écologie et d’Évolution de l’Académie des Sciences de Russie et notre Institut ont décidé de mettre en commun leurs connaissances sur la Bernache à cou roux et leur expérience en matière d’étude des migrations afin de percer le mystère de l’odyssée des bernaches, des rives de l’Océan arctique à celles de la mer Noire et de la mer Méditerranée.

Et le Faucon pèlerin dans tout cela ?

Lui, a quasi disparu d’Europe et d’Amérique du Nord au cours des années soixante et septante, empoisonné par de violents pesticides. Et ce sont précisément des études scientifiques très poussées qui ont permis de comprendre le phénomène et de prendre les mesures nécessaires. Et cela a marché ! Les Pèlerins sont revenus, de pays en pays, de ville en ville. Le couple qui niche au sommet de la cathédrale des Saints Michel et Gudule, au cœur de Bruxelles, en est un fantastique exemple. On pourrait presque dire qu’il est devenu le porte-parole de la réussite du sauvetage de son espèce.

Oui, mais quelle est la relation entre le Faucon pèlerin et la Bernache à cou roux ? Elle est simple et extraordinaire à la fois.

Le Pèlerin est une espèce cosmopolite ; il habite le monde entier, ou presque. On le rencontre donc dans la toundra de Sibérie où il côtoye les Bernaches à cou roux. Et là se déroule un comportement incroyable : les bernaches nichent dans des falaises de terre, à quelques mètres à peine d’un nid de faucons. En hiver, en migration, les Pèlerins sont pourtant des prédateurs de bernaches. Eh bien en Sibérie, pendant la nidification, ils sont leur protecteur ! Alors que sa femelle couve ou réchauffe les fauconneaux, le mâle Pèlerin guette en permanence l’arrivée d’un Renard polaire, voire d’une Chouette harfang qui pourrait menacer sa nichée. Et si le danger apparaît, il attaque violement l’intrus en vol, en piqué, en poursuite, en criant. Se faisant, il prévient, et à la fois protège, les bernaches qui seraient sinon terriblement vulnérables.

L’étude de l’écologie des Bernaches à cou roux – dans ses régions du moins – est donc indissociable de celle des Faucons pèlerins. La conservation de l’un dépend de la conservation de l’autre.

Sur la piste de la Bernache à cou roux

Une première expédition de reconnaissance a été organisée en juillet 2012 dans la toundra de la péninsule de Gydan, là où nichent les bernaches et les faucons. Lors de la deuxième expédition organisée en juillet 2013, dans la péninsule de Taimyr cette fois, 11 Bernaches à cou roux et 4 fauconnes Pèlerins « protectrices » des bernaches ont été équipées de mini émetteurs GPS-GSM qui transmettent plusieurs fois par jour la localisation précise des oiseaux.

Des expéditions le long du fleuve Ob et dans les steppes du Kazakhstan ont été organisées durant l’automne 2013 afin de suivre les bernaches en migration. D’autres expéditions sont prévues au cours des prochaines semaines afin d’aller observer les bernaches sur leurs sites d’hivernage en Roumanie, en Bulgarie et en Grèce. Les données recueillies permettront de participer à la conservation de la Bernache à cou roux et du Faucon pèlerin.

La Bernache à cou roux

Une femelle Bernache à cou roux pèse un peu plus d’un kilo, tandis qu’un mâle atteint le kilo et demi. Comparable à un bon gros poulet donc. Mais la hauteur des pattes, la longueur du cou, l’étendue des ailes donnent l’impression d’une taille bien supérieure à celle du gallinacé. Il n’y a pas de différences de coloration de plumage entre les mâles et les femelles. Et très peu de différences entre les adultes et les jeunes. La longévité maximale concerne une femelle adulte baguée en juillet 1996 dans la péninsule de Taimyr qui a été retrouvée morte en décembre 2004 à Krasnodar, entre la mer d’Azov et la mer Noire. Elle était donc âgée d’au moins dix ans. Plusieurs cas de longévité supérieure à 15 ans ont été observés en captivité. Les Bernaches à cou roux sont sexuellement matures à 2 ans, exceptionnellement à 1 an. Mais il est très probable que la plupart ne nichent pas avant d’avoir atteint l’âge de 3-4 ans.

Les zones de reproduction de la Bernache à cou roux se situent exclusivement dans la toundra, au nord de la Russie. On peut donc dire que l’espèce est endémique à la Russie puisque qu’elle ne niche que dans ce pays. Les bernaches s’installent en petites colonies, le plus souvent comptant entre 5 et 7 couples, très exceptionnellement une trentaine. L’arrivée dans la toundra se situe aux alentours du 10 juin et coïncide avec la fonte des neiges. Les femelles pondent le plus rapidement possible car le gel et la neige réapparaîtront dès la mi-septembre. La ponte comprend entre 3 et 6 œufs, rarement jusqu’à 9. La durée d’incubation est de 24-26 jours. C’est la tâche exclusive de la femelle. Mais le mâle monte la garde et accompagne sa partenaire lorsqu’elle part s’alimenter quelques minutes par jour.

Quelques heures après l’éclosion, le couple emmène les oisons directement vers la rivière qui coule le plus souvent au pied de la falaise. La famille y trouvera la protection contre les Renards polaires mais également des plantes très riches en protéines qui permettront aux oisons de grandir rapidement et à la femelle de récupérer un peu de l’énergie investie dans la ponte et la couvaison. Le cycle de reproduction, la ponte, la couvaison, l’élevage des oisons jusqu’au départ en migration, tout cela se déroule en à peine 100 jours, ce qui est extrêmement rapide.

Mi-septembre, les familles se regroupent, rejoignent les bernaches immatures, qui n’ont pas niché, et celles qui ont perdu leurs œufs ou leurs oisons, et partent en migration en bandes comptant des centaines voire des milliers d’oies. Elles volent vers les sites d’hivernage situés essentiellement le long de la mer Noire en Roumanie et en Bulgarie, avec des groupes atteignant le magnifique delta de l’Evros en Grèce, le long des rives de la mer Méditerranée.

Carte d’identité des Bernaches à cou roux et Faucons pèlerins équipés d’émetteurs

Au total, 11 Bernaches à cou roux et 4 Faucons pèlerins ont été équipés d’un émetteur GPS-GSM. Les émetteurs pèsent 20 gr dans le cas des faucons et 30 gr dans le cas des bernaches. Ils fonctionnent à l’énergie solaire et transmettent des positons GPS par le réseau GSM. La fréquence de transmission varie de toutes les 2 heures à toutes les 6 heures, en fonction de la charge de la batterie. La précision de localisation est de quelques mètres.

Tous les oiseaux ont été bagués dans l’est de la péninsule de Taimyr en Russie, le long des rivières Zakharova Rassokha et Novaya.

Les Faucons pèlerins

  • Faucon pèlerin 02 : femelle immature de 1320 gr qui couvait 3 œufs, équipée le 03/07/2013. Elle protégeait une colonie de 4 couples de Bernaches à cou roux.
  • Faucon pèlerin 03 : femelle de 1150 gr qui couvait 2 fauconneaux âgés de 4-5 jours et un œuf non-fécondé, équipée le 12/07/2013. Elle protégeait une colonie de 5 couples de Bernaches à cou roux.
  • Faucon pèlerin 04 : femelle de 1150 gr qui couvait 4 œufs, équipée le 06/07/2013. Elle protégeait une colonie de 11 couples de Bernaches à cou roux.
  • Faucon pèlerin 05 : femelle de 1000 gr qui couvait 4 fauconneaux âgés d’une semaine, équipée le 16/07/2013. Elle protégeait une colonie de 10 couples de Bernaches à cou roux.

Les Bernaches

  • Bernache à cou roux 06 : femelle adulte de 1100 gr qui couvait 5 œufs, équipée le 07/07/2013, protégée par une femelle Pèlerin non marquée.
  • Bernache à cou roux 07 : femelle adulte de 1150 gr qui couvait 7 œufs, équipée le 06/07/2013, protégée par la femelle Pèlerin 04.
  • Bernache à cou roux 08 : femelle adulte de 1150 gr qui couvait 5 œufs, équipée le 05/07/2013 dans la même colonie que la Bernache 06, protégée par une femelle de Pèlerin non marquée.
  • Bernache à cou roux 09 : femelle adulte de 1150 gr qui couvait 8 œufs, équipée le 08/07/2013, protégée par la femelle Pèlerin 04.
  • Bernache à cou roux 10 : femelle adulte de 1100 gr qui couvait 5 œufs, équipée le 08/07/2013, protégée par la femelle Pèlerin 04.
  • Bernache à cou roux 11 : femelle adulte de 1300 gr avec une famille de 3 oisons âgés de 2 jours, équipée le 12/07/2013, protégée par la femelle Pèlerin 03.
  • Bernache à cou roux 12 : mâle adulte de 1350 gr avec une famille de 5 oisons âgés de 2 jours, équipé le 12/07/2013, protégé par la femelle Pèlerin 03.
  • Bernache à cou roux 13 : femelle adulte de 1050 gr qui couvait 7 œufs proches de l’éclosion, équipée le 13/07/2013, protégée par la femelle Pèlerin 03.
  • Bernache à cou roux 14 : mâle adulte de 1300 gr avec une famille de 5 oisons âgés de 1 jours, équipé le 15/07/2013, protégé par la femelle Pèlerin 03.
  • Bernache à cou roux 15 : mâle adulte de 1250 gr avec une famille de 7 oisons âgés de 3-4 jours, équipé le 17/07/2013, protégé par la femelle Pèlerin 05.
  • Bernache à cou roux 16 : mâle adulte de 1350 gr avec une famille de 8 oisons âgés de 3-4 jours, équipé le 17/07/2013, protégé par la femelle Pèlerin 05.

Avec le support du Fonds Léopold III pour l'Exploration et la Conservation de la Nature et d'Alcyon Belux, centrale vétérinaire de distribution de médicaments, d'aliments et de matériel médical.

Cartes de déplacement des bernaches à cou roux et de faucons pélerins équipés d'émetteurs
[2013] [2014]

Bernaches à cou roux
Bernaches à cou roux
Bernaches à cou roux
La Bernache à cou roux est menacée de disparition au niveau mondial
Bernaches à cou roux
En observant les comportements migratoire et nidificatoire des bernaches, les ornithologues peuvent mettre en place des actions de protection l'espèce adéquates
peregrine falcon
Un mâle de Pèlerin de la toundra monte la garde près de son nid
Poussins de bernaches à cou roux
Les bernaches nichent dans des falaises de terre,à portée des prédateurs
arctic fox
En nichant à proximité des Faucons pèlerins, les Bernaches à cou roux s'assurent une protection contre des prédateurs tel ce renard polaire
Bernaches à cou roux
Grâce à de petits émetteurs GPS-GSM, il est possible de suivre la migration des Bernaches vers leur site d'hivernage
peregrine falcon
Des Pèlerins aussi ont été équipés de ces petits émetteurs afin d'étudier leur comportement migratoire