La pollution maritime devant nos côtes en chiffres

Depuis les débuts de la surveillance aérienne en Belgique, en 1991, l’UGMM conserve systématiquement les données de tous les cas de pollution marine constatés depuis les airs dans les zones maritimes belges et voisines. Pendant cette période de plus de 25 ans, une riche base de données de cas de pollution marine a ainsi été constituée.

 

Pollution opérationnelle aux hydrocarbures

Toute nappe d’hydrocarbures repérée dans le sillage d’un navire signale une probable infraction aux normes internationales en vigueur en matière de rejets d’hydrocarbures minéraux inscrites à l’Annexe I de la Convention MARPOL 73/78. Des recherches et des expériences en mer ont en effet démontré qu’une trace visible d’hydrocarbures en mer provenant d’un navire résulte toujours d’un déversement dépassant la limite de concentration autorisée (>15ppm). Une analyse statistique des déversements illégaux d’hydrocarbures sur plusieurs années a heureusement mis en évidence une forte diminution du nombre de rejets opérationnels d’hydrocarbures devant nos côtés.

Cette tendance à la baisse ne s’applique cependant pas dans la même mesure au nombre de rejets par an, à la surface totale polluée et au volume total pollué. La diminution n’a en outre pas été progressive mais s’est faite davantage par paliers. Deux mesures politiques essentielles ont eu un impact particulièrement visible sur le terrain. Tout d’abord, l’Organisation maritime internationale (OMI) a reconnu en 1999 la mer du Nord comme « Zone spéciale » pour les rejets d’hydrocarbures par les navires, la soumettant ainsi aux normes internationales les plus strictes en la matière. Cette décision a eu un impact immédiat, avec une réduction de moitié du nombre de cas de pollution et des surfaces polluées, et ce dès 1999. Le volume total d’hydrocarbures rejetés a lui aussi diminué après 1999, mais de façon moins nette. La seconde mesure importante a été l’adoption de la directive européenne sur les installations portuaires de réception, qui n’a été pleinement appliquée aux ports européens qu’à partir de 2004-2005. Depuis l’entrée en vigueur de cette directive de l’UE, tous les navires de mer sont tenus de déposer leurs déchets d’exploitation dans les installations prévues à cet effet dans les ports de réception européens, rendant de ce fait très difficile le rejet illégal d’importants volumes d’hydrocarbures en mer. L’UGMM a démontré que cette mesure politique a permis de diminuer considérablement le nombre annuel de cas de pollution par de grands volumes d’hydrocarbures. Après 2004-2005, les volumes annuels d’hydrocarbures observés en mer ont en effet diminué d’environ 90 %.

Nombre annuel de cas de pollution opérationnelle aux hydrocarbures constatés par l’avion, par heure de vol, dans les eaux belges et environnantes, entre 1991 et 2018.

D’autres facteurs ont contribué à cette évolution positive : les poursuites pénales à l’encontre des navires contrevenants, l’effet dissuasif de la surveillance aérienne et des contrôles portuaires, et les améliorations apportées à la formation et à la sensibilisation du personnel navigant.

2015 a été la première année au cours de laquelle aucun cas de pollution opérationnelle aux hydrocarbures n’a été constaté dans les eaux belges ou environnantes. Cette année-là, l’avion de surveillance a toutefois fait l’objet d’un entretien de longue durée. L’appareil ayant été indisponible pendant près de six mois, les vols de contrôle de la pollution ont donc dû être effectués avec un avion de remplacement (non équipé de capteurs). Au cours de ces dernières années, des nappes d’hydrocarbures ont encore été sporadiquement repérées et des navires pollueurs pris en flagrant délit. Les années à venir révéleront si la problématique des rejets illégaux d’hydrocarbures devant nos côtes est vraiment sous contrôle.

Déversement d'hydrocarbures
Déversement illégal d’hydrocarbures dans la partie belge de la mer du Nord.

 

Autres substances liquides nocives

Outre les nombreux cas de pollution aux hydrocarbures, l’UGMM enregistre systématiquement depuis 1991 les cas de pollution opérationnelle à d’autres substances liquides nocives (noxious liquid substances, NLS). Celles-ci sont souvent regroupées sous le terme « déversements chimiques », même si les NLS incluent, outre des produits chimiques, des huiles végétales et biodiesels, par exemple.

Les normes internationales en vigueur en matière de déversements de substances liquides nocives autres que des hydrocarbures sont énoncées à l’Annexe II de MARPOL 73/78. Contrairement aux traces visibles d’hydrocarbures, de nombreux rejets opérationnels de NLS par des navires en mer qui ont été constatés sont autorisés par la loi. La détermination du caractère illégal ou non d’un déversement d’autres substances nocives dépend davantage de l’endroit et du mode de déversement en mer par le navire que des caractéristiques visuelles de la substance rejetée. Le déversement a-t-il été constaté à l’intérieur ou à l’extérieur des eaux territoriales ? Au-dessus ou en-dessous de la surface de l’eau ? Le bateau navigue-t-il à une vitesse et à une profondeur suffisantes ?

Malheureusement, nos observations d’autres substances liquides nocives n’affichent pas la même tendance à la baisse que celle constatée pour les hydrocarbures. Les cas de pollution à d’autres substances liquides nocives semblent même en légère hausse, même si les statistiques ne l’ont pas encore mis en évidence. La Belgique n’est pas le seul pays de la mer du Nord à faire ce constat. La France et les Pays-Bas ont aussi signalé récemment une tendance à la hausse en ce qui concerne les déversements de produits chimiques dans leurs eaux.

Other noxious liquid discharge Other noxious liquid discharge
Déversement de substances liquides nocives (NLS) dans la partie belge de la mer du Nord.

Les données de l’UGMM montrent, d’une part, qu’au fil des ans, les constats de pollution opérationnelle à d’autres substances nocives sont toujours moins nombreux que les constats de pollution aux hydrocarbures et, d’autre part, que la problématique générale des déversements des navires devant nos côtes ne se situe plus dans le même ordre de grandeur qu’au siècle dernier. En 2012 cependant, le nombre de constats de pollution chimique a dépassé celui des constats de pollution aux hydrocarbures, un phénomène qui a à nouveau été observé en 2015. En 2017, les statistiques cumulées de la surveillance aérienne de l’ensemble des pays de la mer du Nord ont suivi cette même évolution et pour la première fois depuis les débuts de la surveillance aérienne dans le cadre de l’Accord de Bonn (depuis 1989), les cas de pollution aux autres substances liquides nocives ont dépassé les cas de pollution aux hydrocarbures. Comme les déversements chimiques sont souvent autorisés loin des côtes, ces nappes sont en moyenne deux fois plus étendues que les nappes d’hydrocarbures.

Les déversements chimiques des navires en mer du Nord restent donc un problème qu’il ne faut pas sous-estimer et qui exige un suivi et un contrôle rigoureux en mer comme sur terre.

Nombre annuel de cas de pollution opérationnelle à d’autres substances liquides nocives (NLS) par heure de vol, dans les eaux belges et environnantes entre 1991 et 2018.

L’échouage de quantités considérables de paraffine le long des côtes de la mer du Nord méridionale est l’une des conséquences de ces déversements chimiques. Deux à trois fois par an, de grosses boulettes ou des galettes de paraffine échouent ainsi sur les plages belges. La paraffine pure, naturellement présente dans le pétrole brut, se présente comme une substance solide cireuse, incolore et inodore. Sa coloration brune et jaunâtre s’explique par la présence de résidus d’huile ou d’autres substances polluantes. Les échouages d’importantes quantités de paraffine s’observent habituellement après ou pendant les périodes de vent du Nord. La problématique va ici au-delà de la pollution visuelle des plages. Cette substance est en effet consommée par certains organismes. De petits morceaux de paraffine sont ainsi retrouvés dans l’estomac des fulmars boréaux (Fulmarus glacialis). Des problèmes de santé peuvent aussi être constatés chez les chiens qui en ont ingéré d’importantes quantités.

Le Comité de la protection du milieu marin (MEPC) a adopté des amendements à l’Annexe II de MARPOL visant à renforcer, dans les zones maritimes spécifiées, les prescriptions relatives au rejet des résidus de cargaison et des eaux de nettoyage des citernes qui contiennent des produits flottants persistants ayant une viscosité élevée et/ou un point de fusion élevé et pouvant se solidifier dans certains circonstances (par exemple cargaisons paraffiniques et certaines huiles végétales) et ce en réponse aux préoccupations quant à l’impact environnemental des rejets autorisés. De nouvelles dispositions ont aussi été ajoutées à la règle 13 de l’Annexe II de MARPOL. Elles concernent le contrôle des déversements de résidus de substances liquides nocives et de résidus/mélanges d’eau résultant du prélavage, qui doivent désormais être rejetés dans une installation de réception dans les zones spécifiées, telles que les eaux du nord-ouest de l’Europe, la zone de la mer Baltique, les eaux d’Europe occidentale et la mer de Norvège (MEPC, 74e session, mai 2019)

 

Émissions de soufre

En 2019, l’avion de surveillance de la Garde côtière de l’UGMM a contrôlé pour la cinquième année consécutive les émissions de soufre des navires circulant dans les eaux belges et à proximité de celles-ci. Au total, 316 infractions probables ont ainsi été constatées. Toutes ont été signalées systématiquement aux services d’inspection portuaire compétents pour inspection à bord. Environ 90 % des navires naviguant devant nos côtes ont ainsi respecté les limites strictes pour les émissions de soufre, malgré le coût élevé que cela implique. C’est là une bonne nouvelle pour la qualité de l’air. Cela signifie toutefois que près 10 % des navires contrôlés en mer étaient probablement en infraction. Pour en savoir plus, veuillez consulter « Prévention de la pollution de l’atmosphère par les navires (Annexe VI de MARPOL) ».

 

Pollution marine accidentelle

La problématique de la pollution marine par les navires ne se limite pas aux déversements opérationnels de ces navires. Le trafic maritime particulièrement dense dans la partie belge de la mer du Nord (avec la proximité immédiate du Pas-de-Calais et des deux plus grands ports européens que sont Amsterdam et Rotterdam) et les bancs de sable peu profonds sont deux facteurs qui ont conduit à la reconnaissance internationale de cette zone comme zone à haut risque d’accidents en mer et de pollution marine accidentelle. L’historique des accidents de navigation survenus devant nos côtes montre que ce sont principalement les collisions qui sont à l’origine de dommages environnementaux accidentels.

Depuis 1991, l’avion de surveillance a donc soutenu efficacement les opérations des unités de lutte contre la pollution sous la forme d’un suivi et d’un appui aériens lors de plus 20 accidents de navigation survenus dans les zones maritimes belges et avoisinantes. Lors de chaque intervention, une évaluation de la gravité de la pollution accidentelle et de la menace pour la côte a été réalisée depuis les airs. À plusieurs reprises, l’avion a également guidé les navires anti-pollution vers les parties extractibles les plus volumineuses des nappes de pollution accidentelle.

Les autorités ont ainsi fait appel à l’avion dans le cadre de la gestion de crise lors de l’incident du pétrolier British Trent en 1993, de la collision entre le Carina et le Samia en 1995, de l’échouage du Heinrich Behrman en 2001, de la collision entre le Tricolor et le Vicky en 2002-2003, et plus récemment, du remorquage du Flaminia, un porte-conteneur qui avait été gravement endommagé (2012), du renflouage du transporteur de véhicules Baltic Ace (en 2014-15) ou encore lors de la collision du Flinterstar au large de Zeebrugge et de son renflouage (2015-16). Rien que pour les incidents impliquant le Tricolor et le Flinterstar, plus de 50 nappes d’hydrocarbures ont à chaque fois été constatées et signalées aux autorités durant toute la période de l’incident, et l’avion a guidé en mer les navires anti-pollution pendant des semaines et même des mois.

Épave du Flinterstar en 2015
Épave du Flinterstar en 2015.
Passage du porte-conteneur Flaminia en 2012
Passage du porte-conteneur Flaminia en 2012.
Épave du Tricolor en 2002
Épave du Tricolor du 2002.

 

Vue d’ensemble des incidents en mer, avec à chaque fois les volumes d’hydrocarbures libérés/déversés, pour lesquels l’avion de la Garde côtière est intervenu (suivi et/ou soutien aérien)

Année Navire(s) concernés Volume d’hydrocarbures
1992 Incident du Westhinder 170 m³
1992 Cast Muskox/Long Lin 190 m³
1992 Amer Fuji/Meritas 225 m³
1992 Davidgas/Athos 185 m³
1993 Aya/Wladyslaw Jagiello 15 m³
1993 British Trent/Western Winner 10 m³
1995 Carina/Samia 45 m³
1995 Spauwer <10 m³
1997 Mundial Car/Jane 20 m³
2000 Adelaide/Saar Ore <10 m³
2001 Vera/Music 20 m³
2001 Gudermes/St.Jacques II 100 m³
2001 Heinrich Behrmann (risque)
2002-2004 Tricolor/Kariba + renflouage Tricolor ~500 m³
2003 Vicky 190 m³
2007 Pauline <10 m³
2007 Sapphire 100 m³
2009 High Progress/Advent (risque)
2011 Z700-Rapke <1 m³
2012 Flaminia (risque)
2012-2015 Baltic Ace/Corvus J + renflouage du Baltic Ace 45 m³
2015-2016 Flinterstar/Al Oraicq + renflouage du Flinterstar ~200 m³

 

Cause des incidents de navigation avec – ou avec risque de – pollution accidentelle par déversement d’hydrocarbures dans les eaux belges ou avoisinantes (période 1985-2014)