Lutte internationale contre la pollution de l’air au-dessus de la mer (Annexe VI de MARPOL)

Résumé

Depuis 2015, un capteur renifleur est installé à bord de l’avion de la Garde côtière belge. Cette technologie permet de calculer la teneur en soufre d’un carburant à l’aide des mesures effectuées en mer au niveau des émissions des navires. Ces nouveaux « vols de contrôle des émissions de soufre » de l’UGMM ont été lancés dans le cadre du projet pilote européen « CompMon » (« Compliance Monitoring »), l’objectif étant de contribuer au respect des normes strictes pour ces émissions fixées à l’Annexe VI de la Convention internationale MARPOL 73/78 et, au niveau européen, par la directive « soufre ». Ces vols complètent les inspections au titre du contrôle par l’État du port – effectuées en Belgique par la Direction générale Navigation (SPF Mobilité). La réduction des émissions de soufre (ou SOx) des navires est une priorité absolue pour l’Europe, et ce pour diverses raisons environnementales mais aussi de santé publique (particules fines, pluies acides et acidification des océans, etc.).

Au cours du deuxième semestre 2019, l’avion renifleur sera également équipé d’un capteur de NOx, afin que l’appareil de la Garde côtière belge puisse non seulement effectuer des mesures pour le soufre mais aussi contrôler le respect des normes les plus récentes pour les émissions atmosphériques de NOx.

Cette méthode permet non seulement de surveiller plus efficacement l’impact de la navigation sur la qualité de l’air au-dessus de la mer, mais aussi d’identifier les contrevenants potentiels et de signaler les infractions probables aux services d’inspection portuaire compétents. Dans ce domaine, la Belgique est de plus en plus le point de mire de l’attention internationale. Tous les États côtiers de la mer du Nord envisagent ainsi d’étendre la surveillance des émissions de SOx et de NOx provenant des navires en mer à l’ensemble de la mer du Nord, dans le cadre de l’Accord de Bonn. Même des pays très éloignés de l’Europe, comme la Chine et le Canada, s’intéressent déjà de très près à ce travail pionnier au niveau européen.

 

Impact des émissions des navires sur l’environnement et la santé publique

Le trafic maritime a un impact sur l’homme et l’environnement à différents niveaux. Depuis quelques années, l’impact de la pollution atmosphérique liée à la navigation fait l’objet d’une attention accrue. Le secteur de la navigation est responsable d’une proportion considérable des émissions mondiales de substances nocives, les navires utilisant comme carburant des combustibles fossiles. Les principaux polluants atmosphériques émis par les gaz d’échappement des navires sont les oxydes de soufre (SOx), les oxydes d’azote (NOx) ainsi que les particules de suie telles que le « Black Carbon » (BC). Toutes ces substances sont des gaz à effet de serre (GES) émis par le transport maritime (et s’ajoutent aux émissions de CO2 des navires).

Émission dans l’atmosphère d’un navire dans la partie belge de la mer du Nord
Émission dans l’atmosphère d’un navire dans la partie belge de la mer du Nord.

Le SO2 (ou dioxyde de soufre) est un gaz irritant qui agit en synergie avec d’autres substances, telles que les particules en suspension. À de fortes concentrations, il peut avoir de graves conséquences sur la santé. Le SO2 altère la fonction pulmonaire chez l’enfant et peut provoquer des problèmes cardiovasculaires et respiratoires chez l’adulte. Les émissions de dioxyde de soufre sont aussi à l’origine de la formation de brouillards toxiques, connus sous le nom de « smog ».

Les émissions de NOx jouent, quant à elles, un rôle important dans la formation de particules fines et dans l’eutrophisation de l’habitat marin terrestre. Le NOx est également l’un des précurseurs d’ozone troposphérique. La formation de l’ozone au niveau du sol peut être à l’origine de graves problèmes respiratoires. L’ozone est également un gaz à effet de serre.

Les émissions de SO2 et de NOx par les navires peuvent également amplifier l’acidification des régions côtières le long des zones de trafic maritime très dense. Une fois émis dans l’air et en présence d’eau, le SO2 se transforme en acide sulfurique (H2SO4) contribuant ainsi au phénomène des pluies acides qui endommagent les infrastructures (par ex. les bâtiments) et les écosystèmes et qui peuvent aussi menacer la biodiversité, puisque des espèces sensibles peuvent en être affectées (p. ex., les mollusques et les crustacés, dont la constitution de la carapace ou de la coquille – en calcaire – peut souffrir de l’acidification du milieu). Si l’acidification des océans par les dépôts de soufre est assez limitée à l’échelle mondiale, ces dépôts peuvent avoir un impact important sur les eaux côtières les plus fréquentées et donc plus fragiles, mettant potentiellement en danger, à long terme, le potentiel économique des régions côtières (par exemple les activités de conchyliculture).

Alors que les effets nocifs du soufre, surtout du SO2 terrestre sont déjà reconnus depuis longtemps et qu’une réglementation plus stricte des émissions des centrales électriques et du secteur des transports routiers, entre autres, a permis de réduire de manière significative ces émissions, la réglementation des émissions des navires est longtemps restée insuffisante, en dépit de leurs effets nocifs sur le milieu marin.

En plus des émissions de SOx et de NOx, le transport maritime international est également une importante source d’émissions de particules fines, de Black Carbon (BC) et de CO2. Le BC (le « carbone noir », des particules d’un diamètre compris entre 20 et 150 nm) constitue une sous-classe des particules fines (particules d’un diamètre inférieur à 2,5 µm). Les particules fines se forment par la combustion incomplète de carburants fossiles. Comme ces particules de suie absorbent fortement la lumière, elles représentent la deuxième cause de réchauffement climatique liée aux activités humaines, juste après le CO2, et accélèrent le réchauffement climatique, particulièrement dans la région arctique. Les particules fines peuvent aussi pénétrer très profondément dans l’appareil respiratoire, jusqu’aux alvéoles pulmonaires. Étant donné que ces particules peuvent servir de vecteurs à différentes substances toxiques (p. ex. hydrocarbures aromatiques et métaux lourds), il ne faut pas sous-estimer leurs effets nocifs sur la santé, comme les maladies cardiovasculaires et pulmonaires. Le remplacement du fioul par des carburants alternatifs à faible teneur en soufre (cleaner fuels) pourrait réduire considérablement les émissions de particules fines et de BC.

 

Mesures de politique maritime dans le cadre de la lutte contre le SOx et le NOx: SECA, Global Sulphur Cap, NECA

Faute de réglementation appropriée, les émissions des navires continuent d’augmenter suite à la densification du trafic, alors que les émissions du transport routier s’affichent désormais à la baisse. Dans le cas spécifique des émissions de SOx, l’on en était déjà arrivé à la conclusion en 2005 que, sans mesure politique supplémentaire, les émissions de soufre du transport maritime dans l’UE dépasseraient en 2020 les émissions combinées de toutes les sources terrestres d’émission. Une série de mesures internationales ont donc été prises pour réduire de manière drastique la pollution atmosphérique par les navires.

L’Organisation maritime internationale (OMI) a développé des normes environnementales internationales pour les navires, qui figurent à présent dans la Convention MARPOL 73/78. L’Annexe VI de MARPOL, approuvée pour la première fois en 1997 et qui a fait l’objet d’une refonte en 2008, impose ainsi une diminution progressive des émissions de SOx et de particules (règle 14) ainsi que de NOx (règle 13) à l’échelle mondiale. Elle a également introduit le concept de « zones d’émission contrôlée » (« Emission Control Areas ») soumises à des limites encore plus strictes pour les émissions de particules polluantes des navires. Au sein de l’Union européenne, les émissions de SOx par les navires sont régies par la directive « soufre » (directive (UE) 2016/802).

En ce qui concerne plus particulièrement le SOx, des normes plus strictes ont été adoptées en 2000 concernant la teneur en soufre des carburants marins dans certaines zones maritimes – les « zones d’émission contrôlée de soufre » ou SECA (Sulphur Emission Control Areas). Après la mer Baltique, la mer du Nord et la Manche sont également devenues des SECA, en 2006. À l’intérieur de ces zones, les navires ne peuvent utiliser que des combustibles à teneur réduite en soufre, ou doivent être équipés d’un système agréé d’épuration des gaz d’échappement (les « scrubbers ») qui neutralise les composés soufrés des gaz d’échappement pour que les niveaux d’émission soient comparables à ceux des combustibles réglementaires à faible teneur en soufre. Les navires qui utilisent du gaz naturel comme carburant (généralement le GNL - gaz naturel liquéfié) peuvent également se conformer aux règles de l’Annexe VI de MARPOL. Depuis le 1er janvier 2015, les limites en matière d’émissions sont devenues plus strictes, en mer Baltique, en mer du Nord et dans la Manche. Dans ces eaux les navires doivent exclusivement utiliser des carburants dont la teneur en soufre ne dépasse pas 0,1 % (contre 1,5 % en 2010, et 1,0 % pour la période 2010-2014).

En dehors des SECA, la limite pour la teneur en soufre des carburants marins restera fixée à 3,5 % jusqu’à la fin de 2019. Toutefois, au 1er janvier 2020, le « plafond mondial de la teneur en soufre » (« Global Sulphur Cap ») passera à 0,5 %, une limite qui sera également inscrite à l’Annexe VI de MARPOL. La mise en application de ces règles est également une priorité absolue pour l’UE (directive « soufre »)

 

Annexe VI de MARPOL : limites pour la teneur en soufre du carburant utilisé par les navires dans les zones d’émission contrôlée de soufre - ou SECA (en bleu) et dans le monde (orange).

 

Délimitation de la zone d’émission contrôlée de SOx (SECA) en mer du Nord et dans la Baltique
Délimitation de la zone d’émission contrôlée de SOx (SECA) en mer du Nord et dans la Baltique.

 

Zones d’émission contrôlée de NOx (NOx Emission Control Areas, NECA)

Outre le durcissement international des normes relatives aux émissions de soufre des navires, des initiatives sont également prises pour réduire les émissions d’azote. La règle 13 de l’Annexe VI de MARPOL fixe ainsi les limites des émissions de NOx applicables aux moteurs diesel marins.

Les limites d’émission de NOx s’appliquent à tous les moteurs diesel marins d’une puissance de sortie supérieure à 130 kW. Les normes d’émission (NOx en g/kWh) sont déterminées à partir du régime de fonctionnement optimal du moteur ou « régime nominal du moteur », exprimé en tr/min (tours par minute). Les différents niveaux de contrôle s’appliquent en fonction de la date de construction du navire. Le 1er janvier 2021, la zone d’émission contrôlée de NOx ou NECA entrera en vigueur pour la mer du Nord et la mer Baltique. À partir de cette date, les navires construits à partir de 2021, devront respecter les normes NOx de niveau III (2,0 - 3,4 g/kWh) lorsqu’ils naviguent à l’intérieur de cette zone. L’objectif est de parvenir à une réduction importante mais progressive – étalée entre 2021 et 2040 – des émissions de NOx des navires naviguant dans une NECA.

Les navires construits entre 2000 et 2011 doivent respecter la norme de niveau I, qui varie de 9,8 à 17,0 g/kWh. Les moteurs marins construits après 2011 doivent être conformes à la norme de niveau II (7,7-14,4 g/kWh). Les limites des niveaux I et II s’appliquent dans le monde entier, ainsi qu’aux navires construits avant 2021 traversant une NECA. Selon l’OMI, les moteurs marins de niveau I émettent de 12 à 14 % de NOx en moins que les moteurs de niveau 0 (avant la réglementation), tandis que les moteurs de niveau II et III émettent respectivement 25 % et 80 % de NOx en moins que les moteurs de niveau I.

Pour la mer du Nord et la mer Baltique, la NECA correspond géographiquement à la SECA. L’on parlera donc simplement d’ECA à partir de 2021.

Normes de niveau pour les émissions de NOx.

Nouveaux développements politiques : émissions de gaz à effet de serre par les navires

Le Comité de la protection du milieu marin (CPMM) a concentré son attention sur une série de mesures visant à soutenir la réalisation des objectifs de la stratégie initiale de l’OMI en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant des navires, et ce conformément à l’accord de Paris de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et au Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies. Les exigences en matière d’efficacité énergétique pour les nouveaux navires ont été renforcées, et l’indice d’efficacité énergétique des navires neufs (EEDI) de l’Annexe VI de MARPOL a donc été modifié en ce sens.

Lors de sa 74e session, en mai 2019, le CPMM a approuvé la description de tâches pour la quatrième étude de l’OMI sur les gaz à effet de serre (GES). Cette étude dressera l’inventaire des émissions mondiales actuelles de gaz à effet de serre et d’autres substances nocives émises par les navires dans les eaux internationales. Les GES sont définis comme les six gaz initialement pris en compte dans le cadre du processus de la CCNUCC : dioxyde de carbone (CO2), méthane (CH4), oxyde nitreux (N2O), hydrofluorocarbures (HFC), perfluorocarbones (PFC) et hexafluorure de soufre (SF6). En plus de ces six gaz, la recherche portera également sur d’autres substances susceptibles de contribuer au changement climatique, notamment le Black Carbon (BC). La précédente étude de l’OMI sur les GES (la troisième) a été publiée en 2014.

Les émissions de particules de suie ou de carbone noir (Black Carbon/BC) ont récemment été examinées de manière approfondie par l’OMI. Des efforts ont été faits pour effectuer des mesures afin d’étudier l’impact des émissions de Black Carbon des navires, ainsi que pour parvenir à un consensus sur les moyens les plus appropriés pour réduire les émissions des navires. Toutefois, les données sur les émissions de Black Carbon des moteurs marins et la connaissance des technologies et des mesures de réduction sont encore limitées, en particulier comparé aux données sur les émissions de Black Carbon du transport routier au diesel. Le transport routier est soumis à de très nombreuses réglementations portant sur la qualité du carburant, les techniques de traitement du carburant et les règles de traitement des gaz d’échappement. Seuls quelques-uns de ces aspects ont été récemment examinés dans le domaine du transport maritime commercial. L’UGMM recherche donc des pistes pour pouvoir surveiller dans un avenir proche les émissions de BC des navires et contribuer à la collecte de données scientifiques dans ce domaine.

 

Rôle de l’avion de surveillance : contrôle aérien des émissions de soufre en mer par les navires

Le capteur renifleur permet de déterminer avec une grande précision la teneur en soufre du carburant utilisé par les navires, grâce à des mesures en temps réel du CO2 et SO2 dans le panache de fumée des navires. Cette technologie innovante permet d’identifier sur place les contrevenants potentiels et de lancer des inspections portuaires ciblées dans les ports d’escale européens suivants. Elle apporte donc une contribution significative en améliorant l’efficience et l’efficacité de la surveillance du respect des règles en vigueur dans les SECA. L’UGMM travaille ici en étroite collaboration avec le SPF Mobilité (DG Navigation).

Historique – Projet pilote « CompMon » de la CE

En 2014, à l’initiative de la Finlande, un réseau pilote volontaire composé d’autorités publiques et d’instituts de recherche spécialisés de Finlande, de Suède, du Danemark, d’Allemagne, des Pays-Bas et de Belgique a été mis en place grâce au soutien financier substantiel de la Commission européenne. L’objectif était d’unir les forces et l’expertise afin d’améliorer encore davantage l’application de la limite pour la teneur en soufre – fixée à 0,1 % dans les zones SECA de la mer du Nord et de la mer Baltique – grâce à l’utilisation de capteurs innovants et au déploiement de diverses plateformes de surveillance.

Le projet pilote « CompMon » ou « MARPOL Annex VI Compliance Monitoring » de la CE qui en a résulté s’est poursuivi jusqu’à fin 2016. CompMon avait comme objectif de générer des informations de surveillance en mer et le long de la côte grâce a des techniques innovatives de télédétection et d’échantillonnage, pour ensuite transférer ces informations aux services nationaux de Contrôle par l'État du port (Port State Control, PSC) afin d'effectuer de manière ciblée et rentable les inspections à bord des navires entrant dans les ports européens, prévues à l'annexe VI de MARPOL.e projet a montrédémontré que l’identification des navires suspects au moyen d’une surveillance aérienne au-dessus de la mer est une méthode efficace, qui permet par ailleurs d’améliorer de façon significative la chaîne de contrôle. CompMon a débouché sur une série de nouveaux constats importants, comme la mise en évidence de pourcentages considérablement plus élevés d’infractions en mer à l’Annexe VI de Marpol, l’efficacité accrue démontrée des inspections portuaires grâce au ciblage des navires sur la base des observations aériennes au-dessus de la mer, et la mise en évidence d’une certaine adaptation au niveau des navires – certains navires abandonnant trop tard le combustible à haute teneur en soufre pour un combustible plus pauvre en soufre (à l’approche de la côte ou du port) ou l’inverse (lorsqu’ils quittent une SECA) . Sur base des expériences accumulées, l’UGMM a également rédigé un rapport de bonnes pratiques en concertation avec les partenaires du projet.

Dans le cadre du projet CompMon, l’avion de la Garde côtière belge a effectué un total de 152 heures de vol de surveillance du respect de l’Annexe VI de MARPOL au-dessus des eaux belges et adjacentes. Sur ces 152 heures de vol, 25 ont été financées par les Pays-Bas (Inspectie Leefmilieu en Transport) pour la surveillance par capteur renifleur au-dessus des eaux néerlandaises. Tout au long du projet CompMon, l’avion a ainsi mesuré la teneur en soufre des carburants de 1 347 navires. Parmi ceux-ci 107 présentaient des valeurs de soufre supérieures aux limites autorisées. Ces infractions ont été systématiquement signalées aux services d’inspection portuaire compétents (PSC).

Capteur renifleur

Le capteur renifleur installé dans l’avion de la Garde côtière belge a été mis au point par l’Université Chalmers et est commercialisé par FluxSense (Suède). Il est constitué de divers composants et capteurs spécialement conçus pour la surveillance atmosphérique des émissions provenant des navires. La fréquence de prélèvement d’échantillons par les capteurs a également été revue à la hausse pour permettre des mesures précises de la qualité de l’air, depuis un avion volant à vitesse élevée. Les principaux capteurs sont le Thermo 43i TLE pour la mesure du SO2 et le LICOR 7200R pour la mesure du CO2.

Pour obtenir des mesures de qualité pour le soufre, l’avion doit traverser brièvement le panache de fumée du navire. Grâce à une sonde d’échantillonnage installée dans le ventre de l’avion, l’air extérieur est aspiré en permanence par le capteur renifleur. Le système peut être utilisé toute l’année et dans la plupart des conditions météorologiques. Il nécessite toutefois un prélèvement actif d’échantillons des émissions des navires à basse altitude. Ces contrôles ne sont donc pas sans risque pour l’aéronef et son équipage. L’UGMM a donc produit un rapport de bonnes pratiques détaillé, qui précise les procédures d’approche du navire et les limitations et contraintes à prendre en compte, les mesures de sécurité, la formation, etc.

Le capteur renifleur de l’avion de la Garde côtière belge est installé derrière les pilotes
Le capteur renifleur de l’avion de la Garde côtière belge est installé derrière les pilotes.

 

Une sonde sous le ventre de l’avion reliée au capteur renifleur
Une sonde sous le ventre de l’avion reliée au capteur renifleur.

Le système capteur renifleur est équipé d’un logiciel spécialement développé pour commander le capteur et visualiser les mesures. Le logiciel utilise une carte nautique électronique avec une visualisation SIA (SIA = système d’identification automatique pour les navires) intégrée. Les navires sont représentés sur la carte maritime avec l’indication de l’emplacement du panache de fumée selon les calculs. L’emplacement est obtenu à l’aide des donnés en temps réel sur le vent, le cap et la vitesse du navire, données fournies par l’ordinateur de bord. La teneur en soufre du carburant d’un navire est immédiatement calculée à partir des concentrations de SO2 et de CO2 mesurées dans le panache de fumée.

Vue de la carte de navigation numérique avec les panaches de fumée modélisés des navires sélectionnés pour la prise de mesures tout au long de la trajectoire de l’avion Vue de la carte de navigation numérique avec les panaches de fumée modélisés des navires sélectionnés pour la prise de mesures tout au long de la trajectoire de l’avion Vue de la carte de navigation numérique avec les panaches de fumée modélisés des navires sélectionnés pour la prise de mesures tout au long de la trajectoire de l’avion
Vue de la carte de navigation numérique avec les panaches de fumée modélisés des navires sélectionnés pour la prise de mesures tout au long de la trajectoire de l’avion.

 

Représentation graphique du logiciel du capteur renifleur avec les mesures du CO2 (rose), du SO2 (vert) et de la teneur en soufre calculée d’un navire faisant l’objet d’une surveillance Représentation graphique du logiciel du capteur renifleur avec les mesures du CO2 (rose), du SO2 (vert) et de la teneur en soufre calculée d’un navire faisant l’objet d’une surveillance
Représentation graphique du logiciel du capteur renifleur avec les mesures du CO2 (rose), du SO2 (vert) et de la teneur en soufre calculée d’un navire faisant l’objet d’une surveillance.

Procédures de vol et manœuvres d’approche du navire

Le prélèvement d’échantillons de panaches de fumée des navires à l’aide d’un capteur renifleur n’est pas sans risque. Les manœuvres d’approche en vol doivent donc être judicieusement pensées. Cinq approches différentes ont été mises en évidence, sur la base de la direction et de la force du vent d’une part, et du cap et de la vitesse du navire d’autre part (voir Rapport de bonnes pratiques « CompMon »)

Représentation schématique d’une manœuvre d’approche en direction d’un navire
Représentation schématique d’une manœuvre d’approche en direction d’un navire.

 

Différentes approches des navires dans la pratique Différentes approches des navires dans la pratique Différentes approches des navires dans la pratique
Différentes approches des navires dans la pratique.

Deux grands principes régissent l’approche d’un navire : tout d’abord, l’avion ne doit jamais se diriger droit sur le navire. Ensuite, l’échantillon de panache de fumée est prélevé à un angle d’environ 90°. Selon la vitesse et la direction du vent, le panache de fumée peut être supérieur ou inférieur à la hauteur de l’échappement du navire. Localiser le panache d’échappement d’un navire est parfois complexe, mais des pilotes qualifiés parviendront souvent à effectuer les mesures dès la première tentative.

Si une première mesure des émissions dans le panache de fumée d’un navire démontre que celui-ci utilise un carburant approprié, l’avion de la Garde côtière poursuit son vol. Toutefois, si aucune mesure n’a été effectuée ou un résultat suspect observé, l’avion effectuera jusqu’à deux passages supplémentaires. Si l’infraction présumée est confirmée lors d’un deuxième ou d’un troisième passage, les données d’identification du navire et les teneurs en soufre suspectes sont enregistrées. Après atterrissage, elles seront communiquées aux services d’inspection portuaire compétents pour un suivi ultérieur.

Ciblage de bateaux suspects et respect de la législation

La coopération et la communication avec le réseau européen d’inspection portuaire ou « contrôle par l’État du port » (Port State Control, PSC) jouent un rôle crucial dans l’utilisation de la surveillance aérienne en application de l’Annexe VI de MARPOL. Le PSC est responsable de la réalisation et de la coordination des inspections portuaires des navires (en application des directives CE 2016/802 et 2015/253). Avant l’utilisation des mesures par capteur renifleur, le choix des navires soumis à une inspection et à un prélèvement d’échantillons se faisait de manière quasi-arbitraire. Il fallait aussi tenir compte du fait que seul un nombre limité de navires faisant escale dans un port peut être inspecté.

Le fait de se concentrer sur les navires suspects sur la base de la surveillance aérienne permet de mieux cibler les inspections portuaires et les prélèvements d’échantillons, ce qui améliore l’efficacité de ces mesures. En outre, les navires qui quittent un port européen et quittent la SECA, ou qui transitent par la SECA, ne peuvent être soumis aux inspections du PSC. Les pourcentages de respect de la législation obtenus via les inspections du PSC ne reflètent dès lors pas correctement la réalité. Les résultats des mesures du capteur renifleur en mer sont donc systématiquement communiqués aux services d’inspection compétents, qui ajouteront ensuite les navires suspects dans une base de données européenne (base de données Thetis-EU). Ces navires seront donc prioritairement sélectionnés pour une inspection à bord à leur arrivée au prochain port d’escale européen. En Belgique, ces contrôles sont effectués par la DG Navigation (SPF Mobilité).

Grâce à ces vols réguliers avec capteur renifleur destinés à améliorer le contrôle des émissions de soufre des navires, la Belgique joue aujourd’hui un rôle de pionnier au niveau international. Aucun PV n’est (encore) dressé sur la seule base des mesures du capteur renifleur actuellement. Un PV n’est rédigé qu’en cas de preuves suffisantes d’infraction mise au jour lors d’une inspection portuaire et à la suite des prélèvements d’échantillons de carburants. Les mesures des émissions de soufre en mer par le capteur renifleur relèvent donc davantage d’un système de ciblage visant à améliorer l’efficacité des inspections portuaires.

Résultats

En 2019, l’avion de surveillance de la Garde côtière de l’UGMM a surveillé pour la cinquième année consécutive les émissions de soufre des navires circulant dans les eaux belges et avoisinantes. Les résultats et les chiffres présentés succinctement ci-dessous concernent les cinque premières années (2015-2018). Par exemple, au cours de la période 2015-2019, l’avion (avec capteur renifleur) a effectué un total de 270 vols, soit 418 heures de vol. Lors de ces vols, un total de 4600 panaches de fumée provenant de navires ont été contrôlés, 3059 navires individuels ayant été contrôlés. Cela représente une moyenne de plus de 10 navires par heure de vol.

Au total, 367 infractions probables ont ainsi été constatées. Toutes ont été systématiquement signalées aux services d’inspection portuaire compétents pour inspection à bord. Environ 90 % des navires naviguant devant nos côtes ont donc respecté les limites strictes pour les émissions de soufre, malgré les coûts supplémentaires élevés que cela implique, ce qui est une bonne nouvelle pour la qualité de l’air. Cela signifie toutefois qu’un petit 10 % des navires contrôlés en mer étaient probablement en infraction. Il est donc absolument essentiel d’adopter une approche efficace de suivi et de contrôle à l’égard de ces 10 % de contrevenants potentiels afin de garantir le respect maximal des limites d’émission strictes fixées pour le transport maritime et de créer des règles identiques pour l’ensemble du secteur de la navigation maritime.

Sur la base de l’expérience acquise jusqu’à présent, un système de « drapeaux de couleur » a été mis au point. Il est utilisé pour signaler aux services d’inspection portuaire les infractions présumées à l’Annexe VI de MARPOL. Ce signalement via ce système de « drapeaux de couleur » permet d’indiquer les différents degrés de probabilité d’infraction, en tenant compte de la teneur en soufre du carburant calculée pour un navire particulier, ainsi que du niveau de précision et d’incertitude de la mesure réalisée :

  • Drapeau vert : (mesures de la) teneur en soufre du carburant inférieure à 0,15 % (jugée conforme)

  • Drapeau jaune : (mesures de la) teneur en soufre du carburant comprise entre 0,15 % et 0,2 % (considérée comme potentiellement non-conforme, avec un intervalle de fiabilité de 68%)

  • Drapeau orange : (mesures de la) teneur en soufre du carburant comprise entre 0,2 % et 0,4 % (considérée comme non conforme, avec un intervalle de fiabilité de 95 %)

  • Drapeau rouge : (mesures de la) teneur en soufre du carburant supérieure à 0,4 % (considéré comme non-conforme, avec un intervalle de fiabilité supérieur à 99 %)

Un résultat non conforme doit toujours être confirmé par une deuxième mesure, non conforme elle aussi.

L’analyse du nombre d’infractions détectées par les services d’inspection portuaire montre que les mesures et les rapports de vol générés par le programme de surveillance aérienne ont permis d’améliorer de 50 % l’efficacité des inspections portuaires.

Résultats des mesures du capteur renifleur pour la période 2015-2019 (sur un total de 4 600 mesures au niveau du panache de fumée).

 

Pourcentage d’infractions potentielles : Après une stabilisation des pourcentages en 2016 et 2017, une baisse provisoire des pourcentages a été observée en 2018.

Depuis le début des mesures par capteur renifleur, l’UGMM s’est aussi activement employée à sensibiliser les autres pays de la mer du Nord et la Commission européenne à l’utilité et à l’importance de ces vols de surveillance au-dessus de la mer, dans l’espoir que ce programme soit prochainement élargi à toute la mer du Nord (et aux autres zones maritimes européennes) et intégré dans une approche commune de lutte contre la pollution atmosphérique par les navires.

Intérêt et coopération à l’échelle internationale

Le rôle de véritable pionnier joué par le gouvernement belge, ainsi que par un petit nombre de pays et d’institutions européennes, n’a pas tardé à être reconnu. La coopération active dans ce domaine s’est ainsi renforcée avec les Pays-Bas. En 2017 et 2018, l’UGMM a effectué 25 heures de vol dédiées à la surveillance des émissions de soufre dans les eaux néerlandaises pour le compte de « Inspectie Leefmilieu en Transport (ILT) » du gouvernement néerlandais. En 2019, ce nombre d’heures de vol a été porté à 35.

En outre, tous les pays de la mer du Nord envisagent actuellement d’étendre conjointement leurs opérations de surveillance des émissions de soufre à l’ensemble de la mer du Nord (y compris la Manche), et ce coordonné dans le cadre de l’Accord de Bonn.

Les opérations de surveillance par capteur renifleur, ainsi que l’expérience et les résultats obtenus en ce qui concerne les enquêtes portuaires ultérieures et la poursuite des contrevenants, ont également suscité beaucoup d’intérêt en Europe et ailleurs dans le monde (autres régions maritimes européennes, Chine, Canada...).

Élargissement des activités de surveillance et de contrôle aux émissions de NOx en mer

L’UGMM envisage également d’améliorer encore la précision des mesures des émissions de soufre et d’étendre sa mission de surveillance à la surveillance des composés azotés (NOx) rejetés en mer à l’échappement des navires. Ces émissions seront soumises à des normes plus strictes, applicables à toute la mer du Nord, dès 2021, avec l’entrée en vigueur des NECA (zone d’émission contrôlée de NOx)

Aux fins d’étendre la surveillance aux composés azotés, un capteur de NOx modifié a été acheté pour être intégré dans le système de capteurs renifleurs à bord de l’avion de surveillance aérienne. Le capteur de NOx est capable de mesurer les concentrations de NOx en ppb (parties par milliard) dans les panaches d’échappement des navires. En 2019, le Cabinet du Secrétaire d’État à la Mer du Nord (Philippe De Backer) a mis à la disposition du SPF Politique scientifique et de l’UGMM une enveloppe totale de 70 000 € pour cet achat. Grâce à cette extension du système de capteurs renifleurs d’origine, l’UGMM pourra :

  • améliorer la précision des mesures des émissions de soufre – la légère sensibilité croisée du capteur SO2 aux NOx pouvant être éliminée par les mesures de NOx

  • procéder à des mesures des émissions de NOx en mer, ce qui permettra de mieux comprendre comment mettre au point un système efficace de surveillance en mer dans les NECA en collaboration avec les services d’inspection portuaire, afin que les navires respectent au maximum les normes

  • faire respecter efficacement la réglementation NOx en mer. Il s’agit là d’un apport très précieux vu l’absence de méthodes empiriques de surveillance des émissions de NOx pouvant fournir des informations sur le respect des normes sur la base du prélèvement d’échantillons de carburant ou d’autres mesures dans les ports. (la surveillance est uniquement possible sur la base du système de certificats)

  • continuer de jouer un rôle de premier plan dans la surveillance des émissions des navires en mer

Verschillende scheepsbenaderingen in praktijk